Quand un collectif de 80 contributeurs (géographes, cartographes, sociologues, historiens, anthropologues, archéologues, ethnobotanistes, linguistes, entre autres), sous la direction de Laurent Polidori (Chercheur au CNRS, Directeur du CESBIO, Toulouse, ancien Président de la SFPT) et de Matthieu Noucher (Chercheur au CNRS, UMR Passages, Bordeaux) compose un contre-Atlas de la Guyane… Ce livre présente une plongée inédite et foisonnante dans la diversité réelle et imaginaire de la Guyane et interroge la fabrique des cartes…
La carte n’est pas le territoire. Œuvre de l’esprit, interprétation de l’espace, elle est restée longtemps l’apanage du pouvoir, l’expression des dominants, véhiculant des représentations partiales, douteuses ou orientées. Une mise en ordre qui fabrique parfois l’ordre bien réel de nos sociétés. Dressé dans les années 1970, ce constat critique bouleverse encore aujourd’hui la lecture des cartes.
Cet atlas s’inscrit dans ce mouvement intellectuel en plein essor : il se veut être un exercice de cartographie critique appliquée à un espace donné. Les auteurs, géographes spécialistes de la discipline, ont choisi la Guyane – mais leur méthode pourrait s’appliquer à n’importe quel « terrain » – parce qu’elle forme un espace singulier, une « île » méconnue, rebelle aux méthodes classiques de représentation (par l’immensité du massif amazonien, difficilement accessible). Région à forts enjeux politiques et économiques, ses cartes voient s’affronter des visions très différentes, des divergences de regards sur l’Histoire.
Cet ouvrage questionne des cartes existantes en procédant à une analyse virtuose de tous les grands problèmes de leur fabrique (confiner, délimiter, détecter, collecter, nommer) à leur usage (mesurer, planifier, révéler, figer, relier). Il traite aussi des thèmes cruciaux de cet espace en produisant pour ce faire des cartes originales sur les frontières, le littoral, la forêt, les circulations, l’orpaillage, la toponymie, la topographie, le foncier, l’urbanisme, les relations géopolitiques, la biodiversité… Tandis que les deux derniers chapitres « Imaginer, la Guyane par les cartes » et « Oublier, le blanc des cartes » réinterrogent la carte jusque dans la logique de ses suppositions ou de ses omissions. En multipliant les points de vue, cet atlas fait émerger les co-vérités d’un territoire, divers, complexe à décrire, sans jamais pouvoir y arriver complètement, comme s’il y avait pour cette « île » et le monde en général une impossibilité, un « in-cartographiable » irréductible.
Au Sommaire :
Introduction
Aperçu historique
Aperçu géographique
- Chapitre 1. Confiner, le fond de carte
- Chapitre 2. Délimiter, les frontières
- Chapitre 3. Nommer, les toponymes
- Chapitre 4. Mesurer, la topographie
- Chapitre 5. Détecter, la forêt
- Chapitre 6. Collecter, la biodiversité
- Cahier central. Notices biographiques
- Chapitre 7. Figer, le littoral
- Chapitre 8. Relier, les circulations
- Chapitre 9. Révéler, l’orpaillage
- Chapitre 10. Gouverner, le foncier
- Chapitre 11. Imaginer, la Guyane par les cartes
- Chapitre 12. Oublier, le blanc des cartes
- Pour ne pas conclure
Retour sur une aventure collective
- La Guyane, la carte et le texte : l’abyssalité critique
- Si animer le dessin ranimait le dessein ?
- Bibliographie
En multipliant les points de vue, cet atlas fait émerger les co-vérités d’un territoire tout particulier, la Guyane façon « île » singulière en pleine mutation et à la situation géographique présentée comme un défi cartographique.
Cette approche multiple et très dense de la Guyane est conjuguée au défi qu’offre la nouvelle cartographie critique, qui multiplie les points de vue, en offrant autant d’interprétations, comme un prisme riche, pluriel et dynamique. Il en ressort une une déconstruction des « représentations dominantes » qui stimule « une analyse critique du processus de construction cartographique ». La recherche cartographique est élargie, elle rassemble les points de vue qui multiplient les thématiques sur le territoire guyanais : les frontières, le littoral, la forêt, les circulations, l’orpaillage, la toponymie, la topographie, le fooncier, l’urbanisme, la biodiversité (et bien d’autres).
Chacun des chapitres est composé sur une trame identique : un cadrage théorique (sur fond vert), souligne les enjeux méthodologiques, politiques ou épistémologiques des opérations cartographiques étudiées, au delà du contexte guyanais.
Suit une double page (encadrée d’un liseré vert) qui expose une déconstruction des cartes dominantes sur le sujet appliqué à la Guyane.
Puis les pages suivantes, sans fond et sans liseré, offrent des commentaires critiques, conduisant à des représentations alternatives aux cartes dominantes précédemment déconstruites.
Une lecture transversale de l’atlas devrait ainsi permettre à la fois d’initier un ensemble de réflexions critiques sur la fine mécanique de la production cartographique, et d’offrir une vision inédite et diversifiée de la Guyane en ouvrant un horizon plus large que les grands récits cartographiques univoques d’antan.
L’idée est de désacraliser les représentations dominantes en incitant le lecteur à y porter un regard distancié… Cet atlas reprend la formule de Georges Didi-huberman et devient « un outil, non pas de l’épuisement logique des possibilités données, mais de l’inépuisable ouverture aux possibles non encore donnés »…
Le livre est riche de la réflexion de 80 contributeurs (géographes, cartographes, sociologues, historiens, anthropologues, archéologues, ethno-botanistes, linguistes, etc.) coordonnée par Matthieu Noucher et Laurent Polidori, avec le soutien d’un comité scientifique de 12 membres, d’une équipe de cartographes et géomaticiens et d’un directeur artistique.
Il présente plus de 400 illustrations, composées de cartes, anciennes et modernes, graphiques, tableaux, et photos splendides et originales…
©FMLT, secteur Sophie, 2016
©M. Jolivet, janvier 2017
Atlas Critique de la Guyane
Sous la direction de Laurent Polidori et Matthieu Noucher
21 cm x 27 cm
336 pages
400 illustrations et cartes
ISBN 9 782271 132130
Septembre 2020
29 €
Editions du CNRS