La topo au disto

bon marché et tient dans la poche

Cet article reprend un article publié dans la revue XYZ n° 149 de Décembre 2016

Introduction

Depuis que je suis en retraite, je suis souvent sollicité pour établir des relevés photogrammétriques du patrimoine historique. Or, même si l’on peut s’en passer dans certains cas, il est quand même prudent de réaliser un canevas d’appui topographique. Se pose alors le problème du matériel de levé, dont le coût ne justifie pas l’achat pour un emploi irrégulier. Je cherchais donc depuis quelques temps une solution pratique et peu onéreuse.

Or, tous les architectes (et beaucoup d’archéologues) ont dans leur poche un distancemètre électronique. Il est donc intéressant de valider une méthode peu contraignante utilisant ce type de matériel.  Il est notamment important de ne pas nécessiter de centrage sur des repères ni mesure de hauteur d’appareil.

 

La théorie

Un vieux théorème (que je n’ai pas pris le temps de démontrer, mais qui a tout l’air d’être exact) annonce que trois groupes de cercles concentriques centré sur trois stations se coupent trois à trois de façon unique (à une symétrie près). Donc, si l’on mesure les distances et les distances zénithales de trois cibles à partir de trois stations (indépendantes) on peut reconstituer les coordonnées 3D des cibles (et accessoirement celles des stations).

Un test conduit dans la petite église rurale Saint-Jean-Baptiste du Monastier-sur-Gazeille ( Figure 1)  a permis de valider une procédure tout à fait efficace.  L’espace dans lequel nous sommes intervenus mesure approximativement 22 m de long, 12 m de large pour une hauteur de 8 m. Nous livrons ici les détails de cette expérience.

figure-1      Figure 1 : Saint Jean-Baptiste au Monastier-sur-Gazeille (12, 15 & 18ème siècle) Haute-Loire

Le matériel

Un distancemètre laser équipé d’un inclinomètre, un trépied photo avec une rotule munie d’un plateau gradué (Figure 2). Ce dernier peut être remplacé par une boussole (éventuellement électronique) qui sera adossée au distancemètre, à condition de vérifier que le distancemètre ne génère pas de perturbation magnétique excessive

Pour notre test nous avons utilisé un Disto Leica D5 dont la précision donnée par le constructeur est de l’ordre de 1 mm pour les distances et 0.3° pour les inclinaisons.

figure-2Figure 2 : Le distancemètre sur sa rotule

Le principe de mesure

La  méthode envisagée consiste à baser le calcul des coordonnées planimétriques de point uniquement sur les mesures de distance horizontale. Les angles verticaux permettent la réduction à l’horizontale et le calcul altimétrique. Les angles horizontaux quant à eux  sont  utilisés pour lever les ambiguïtés de symétrie propres à la trilatération ; accessoirement, ils facilitent les calculs approchés et la détection des fautes (l’enregistrement se fait manuellement et le risque d’erreurs est grand). Les mesures horizontales n’ont cependant pas besoin d’être très précises puisqu’elles sont essentiellement destinées à détecter les bonnes intersections. La précision des coordonnées calculées est quantifiée par les résidus des mesures redondantes.

La procédure

 

La méthode consiste à viser chaque repère depuis 3 stations différentes en prenant soin que celles-ci ne soient pas alignées (Figure 3).  Ces 3 stations doivent donc dessiner un triangle.

A chaque fois, on enregistre la distance, l’angle vertical et l’angle horizontal.  Dans cette procédure la hauteur de l’instrument n’a pas besoin d’être connue.  Il conviendra par ailleurs de renseigner la distance du point de mesure du distancemètre au centre de la sphère de la rotule (excentrement vertical). Enfin, si le distancemètre le permet, il faudra régler la base de la mesure sur la vis de fixation.

Les mesures ont ensuite été entrées dans un tableur pour procéder aux calculs de correction (conversion degrés-grades, conversion de la lecture du plateau gradué du pied, correction de l’angle de site dû à l’excentrement vertical). Ensuite, le calcul se fait simplement par moindres carrés : les points approchés sont calculés  par rayonnement avec l’angle horizontal approché, et/ou trilatération pour les stations, les coordonnées définitives par compensation (ici avec Comp3D, parfaitement adapté) avec des précisions a priori en accord avec les caractéristiques  de l’instrument.

On trouvera ici les fichiers de données du logiciel de calcul topo Comp3D relatif à ce chantier. On a choisi un repère local défini par un point et une orientation.

figure-3Figure 3 : Exemple de cible (a gauche) et de pointage d’une cible (à droite)

La précision

figure-4Figure 4 : les 4 stations en rouge, les 8 cibles en vert, les liaisons vers l’extérieur en jaune

Les calculs ont donné un écart-type des distances d’environ 3mm , une valeur tout à fait convenable en absence d’organe de pointé.  Les zénithales sont autour de 0.2°, une valeur relativement médiocre –de l’ordre de 5cm en Z pour les points les plus lointains-, d’où l’intérêt de rajouter des stations pour raccourcir les distances. Les angles horizontaux sont quant à eux autour de 2° à 3°. Le calage du modèle photogrammétrique sur les 8 points présente un écart-type de 27mm en 3D, ce qui semble en accord avec les estimations de précision du calcul topo.  La principale difficulté pratique (et cause d’imprécision) est due au pointé avec une rotule, qui est prévue pour le poids d’un appareil photo, bien supérieur à celui du distancemètre, et qu’il est difficile de manier avec assez de précision. On trouve dans le commerce un support à vis micrométrique qui résout probablement ce problème (Leica FTA 360 par exemple). De même, certains de ces appareils sont munis d’une caméra facilitant le repérage du point de mesure, difficile à voir en extérieur.

Enfin, si l’on accepte un investissement sensiblement supérieur, les distancemètres les plus récents (Disto D 910) incorporent un capteur d’angle horizontal. Cela ne rend pas la méthode obsolète, dans la mesure où le schéma proposé ici permet un gain sensible en précision et en sécurité.

Le logiciel Comp3D (très puissant mais assez peu ergonomique) est téléchargeable gratuitement sur http://yves.egels.free.fr/Soft/Comp3D.zip

 

Une réflexion au sujet de « La topo au disto »

  1. Bonjour M. EGELS,

    Serait-il possible de me contacter par courriel, j’aimerais avoir vos conseils et votre oeil d’expert concernant un projet de restitution photogrammétrique en cours.
    Merci d’avance pour votre réponse.
    Bien à vous,
    Sylvain

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