La possibilité d’utiliser un appareil photo non étalonné facilite grandement la mise en œuvre de la photogrammétrie. La plupart des logiciels “grand public” fonctionnent par défaut en auto-étalonnage.
Le principe est simple : on initialise les calculs avec les valeurs de focale contenues dans les données EXIF des fichiers image, en supposant l’objectif sans distorsion et bien centré. Ensuite, on cherche à améliorer le résultat en apportant des variations à ces valeurs (focale, centrage, distorsion). Cette amélioration est évaluée essentiellement par la diminution des résidus image (bonne intersection des rayons), éventuellement aussi par celle des résidus terrain (écart entre le modèle et des mesures géométriques sur le terrain). En théorie, tout cela fonctionne parfaitement.
Quels sont les risques?
En premier lieu, il faut décider quelles sont les caméras attribuées à chaque image. Dans un soucis de simplification, c’est souvent le logiciel qui choisit :
- une caméra différente pour chaque image.
- une caméra pour chaque groupe d’images ayant les même données EXIF.
- une caméra pour toute séquence d’images prises en peu de temps.
- les changement de mise au point ne sont habituellement pas reportés dans les données EXIF et ne seront donc pas pris en compte (sauf bien entendu dans le premier cas).
Dans la mesure du possible (c’est à dire si le logiciel le permet), il faut réaffecter correctement les caméras. En effet, l’auto-étalonnage est d’autant plus stable que la redondance est grande, c’est à dire que le nombre de caméras est faible. Un exemple extrême : une cour du martyrium de Saint-Syméon le Stylite en Syrie, à gauche avec Microsoft Photosynth (une caméra par image), à droite avec Redresseur (une seule caméra étalonnée pour le chantier). Inutile de préciser que les façades sont effectivement planes… Lorsque l’on regarde les valeurs calculées par Photosynth, on voit la focale varier de 2165 à 3635 pixels, alors que la valeur étalonnée est de 2128 pixels!Le second écueil est plus sournois: la validité de l’auto-étalonnage dépend beaucoup de la configuration de la prise de vues. Il se trouve qu’en préparant un exemple pour une conférence, je suis tombé sur un exemple particulièrement démonstratif (le logiciel utilisé était ici Photoscan). Il s’agit d’une gravure rupestre de la Vallée des Merveilles dite “le Christ”.
4 images convergentes (2 base horizontales, une base verticale) prises avec une focale équivalente de 100mm.
Tout se passe bien, si ce n’est que, sur le modèle calculé, l’angle entre le nez et les sourcils ne semble pas très droit… Et l’image parait dédoublée.Que s’est-il passé? pour le savoir, il faut examiner les tableaux de résultats détaillés (c’est un gros avantage de Photoscan que de fournir des éléments assez complets de validation, même si la documentation n’est pas toujours très claire sur la signification exacte des valeurs affichées). On se rend compte alors que trois phénomènes ont causé ce résultat erroné :
- par défaut, le logiciel pratique l’auto-étalonnage. La focale calculée est assez éloignée de sa valeur étalonnée (6350 pix pour 7200), mais surtout, le centrage en Y est aberrant (1455 pour 960) : l’objectif se retrouve presque au bord de l’image (en X la valeur est plus normale).
- le nombre de points de liaison rejetés est anormalement élevé (et même supérieur au nombre de points conservés), ce qui explique le dédoublement de l’image, signe d’un mauvais calage.
- tout cela parce que la paroi gravée est à peu près plane… que les photos ont été faites au téléobjectif, et malgré une convergence des axes de près de 45°.
- l’auto-étalonnage donne un résultat d’autant moins fiable que l’objet est plan et que la focale est longue. La détection des fautes d’appariement a éliminé des points qui étaient devenus faux par suite d’une mauvaise évaluation du centrage. Et ce phénomène s’aggrave au fur et à mesure des itérations.
Quatre solutions pour obtenir un bon résultat :
- Utiliser un étalonnage existant de la caméra sur polygone.
- Utiliser les données EXIF. C’est moins bien, mais nettement mieux que l’autoétalonnage
- Faire un auto-étalonnage au moment de la prise de vues sur un sujet bien adapté (bien texturé et avec un relief conséquent).
- Mesurer des points identifiables sur le sujet.