Bernard SILLANO (INRAP) et Yves EGELS (ENSG)

Depuis quelques temps, l’IGN met à la disposition des utilisateurs du Géoportail des séries de photographies aériennes anciennes, qui peuvent être téléchargées gratuitement en haute résolution (de l’ordre de 1000 dpi). Ces images anciennes sont bien entendu une mine d’informations pour les historiens, archéologues ou aménageurs.

Lors de la dernière session de l’école d’été à Forcalquier, un des stagiaires de l’INRAP (Bernard Sillano) me demandait quelle était la valeur photogrammétrique de ces images.

En effet, une mission de 1927 couvrait la ville de Marseille, en particulier le quartier du Panier, dynamité en Février 1943.Sauf exception, les photos aériennes antérieures à la seconde guerre mondiale n’ont pas été prises dans le cadre de travaux photogrammétriques, mais essentiellement documentaires. Il ne faut donc pas espérer obtenir un certificat de calibration de la caméra… De plus, dans le cas des photos de Marseille en 1927, la couverture n’est pas stéréoscopique, le recouvrement est assez aléatoire, environ 20% en général (sans doute y avait-il du mistral ce jour là!). Il est donc inutile de tenter une autocalibration. L’espoir de calculer une orthophoto dans les règles de l’art s’éloigne.

Mais en examinant les images, il apparait que la focale devait être très longue : le dévers des façades sur des bâtiments élevés (la cathédrale de la Major, par exemple) est très faible. Double avantage : les longues focales ont habituellement peu de distorsion, et l’influence du relief est réduite. On pourra donc tenter la méthode que las anciens nommaient le redressement.

Le logiciel Redresseur est tout à fait adapté à cette tâche. Il permettra d’identifier des points communs dans le recouvrement des images, ainsi que quelques points connus sur le terrain (dont les coordonnées planimétriques peuvent facilement être mesurés directement avec l’outil d’affichage de coordonnées du Géoportail).

Les images originales sont à une échelle de 1/6000 environ, ce qui permet raisonnablement de produire un document avec une taille de pixel de 25cm.

Le calcul d’assemblage indique des résidus très corrects (de l’ordre de 2 mètres). L’examen de la mosaïque montre que les raccords sont tout à fait satisfaisants, par contre le géoréférencement par rapport au plan de la ville de Marseille n’est pas parfait, les écarts atteignant 5 à 10 mètres par endroit. Il faut quand même faire remarquer que la zone choisie n’est pas spécialement plate… les altitudes varient de 0 au Vieux-Port à 40m place Jean Jaurès, 56m à la gare Saint Charles et même 142m à Notre-Dame de la Garde!

Malgré les nombreuses traces de doigts, la netteté très approximative et l’affaiblissement de certaines images, ces photos presque centenaires permettent de retrouver l’ancienne physionomie de la ville.